L’implicite à travers les cultures
Connaître les codes culturels de ses interlocuteurs permet de déjouer bien des pièges de la communication implicite et d'éviter des impairs, voire des conflits.
La mystérieuse communication implicite !
Une communication implicite peut être à l'origine de bien des quiproquos, voire de conflits. Alors pourquoi communiquer de manière implicite ? ... Pour des raisons culturelles, pour sauvegarder les apparences, par peur de dire les choses en face, par humour, par habitude, par exagération, par inattention, par désinvolture, par courtoisie, pour éviter les conflits, ... et pourtant cela risque de générer des conflits ! Alors comment faire pour se comprendre ?
Implicite et Explicite
La communication implicite est énigmatique pour un « Explicite ». Ainsi le mode de communication britannique intrigue les Américains qui disent en général ce qu’ils pensent et font ce qu'ils disent. Pour George Bernard Shaw, "L’Angleterre et l’Amérique sont deux pays séparés par la même langue".
Si l’Explicite prend chaque mot pour argent comptant, l’Implicite est plus allusif. Le premier risque de ne pas comprendre le second qui, lui, peut trouver l'Explicite abrupt ou bien se tromper sur ses intentions en cherchant à interpréter ses propos.
Implicite et implicite
Deux implicites se comprennent-ils mieux ? Ce n’est pas parce qu'un Britannique, un Chinois, un Français et un Japonais ont une communication implicite qu’ils communiquent mieux ; en effet leurs codes sont différents et les erreurs d'interprétation fréquentes.
Lorsqu'on se trouve dans cette configuration, il est important de connaître le background culturel de son interlocuteur, de chercher à le comprendre, de reformuler et faire reformuler pour s'assurer du sens des mots et éviter de commettre des impairs.
Des histoires d’implicites
Pour mieux appréhender ce mode de communication et les différentes formes qu’il peut prendre, nous vous proposons quelques exemples.
Décoder l’implicite britannique ?
On peut repérer différentes formes de communication implicite chez les Britanniques.
1. Dire l’inverse de ce qu’on veut dire
- Si un Britannique vous dit "I’m sure it’s my fault", vous pourriez vous demander "Pourquoi pense-t-il que c’est de sa faute ?", mais il peut être en train de vous dire que "c’est votre faute" !
- "That is a brave proposal" ne veut pas dire "Je pense que vous avez du courage" mais plutôt "You are insane".
- "Very interesting" ne signifie pas "Je suis impressionné(e)" mais plutôt "That is clearly nonsense".
2. Utiliser l’ "understatement"
- "I only have a few minor comments" peut signifier "Please re-write it all"
- "I’m not totally at ease" peut vouloir dire "I am panicking"
Pour décoder les propos d’un Britannique, il faut les situer dans leur contexte, observer le langage non verbal et clarifier le fond de sa pensée. Certains considèrent que c’est une forme d’hypocrisie. En réalité, ce langage se veut respectueux.
Au Brésil, implicite ou contrôle ?
Un manager brésilien sort d’une réunion tendue qui l’a beaucoup agacé et croise un collaborateur ; il met son stress de côté pour se montrer souriant et calme, comme si de rien n’était. Il veut à tout prix éviter le clash avec des personnes qui n'ont rien à voir avec son agacement.
En France, on transmet plus facilement son stress aux autres sans vraiment le vouloir ni même le maîtriser. Un Français qui sort d'une réunion difficile peut se montrer impatient, peu ou pas du tout souriant, voire impoli avec une personne qu'il croise dans les couloirs.
Son attitude sera alors considérée comme un véritable manque de respect, voire une attaque personnelle par un Brésilien.
Résoudre ce genre de situation est ensuite extrêmement complexe.
Un Brésilien a plutôt tendance à éviter le conflit et à rester muet. Il fera comprendre par d'autres moyens que la "bonne" relation est rompue : il n'ira plus boire un coup à la fin de la journée ou sera moins impliqué dans le travail, ... Un Français voyant l'attitude du Brésilien changer risque de le recadrer ; on entre alors dans un engrenage où plus personne ne se comprend et où règne une mauvaise ambiance de travail.
Le Coréen est-il implicite ?
Martine Prost, directrice de l'institut d'études coréennes au Collège de France parle de la qualité de la relation, le "Jeong". C'est un concept important pour les Coréens qui considèrent que les Français n'ont pas de "Jeong".
"Quand la situation n'est pas posée d'avance ou prédictible, le "nunchi" (chi : frapper, nun : oeil), faculté de lire dans le regard des autres, de sentir les choses intuitivement, intervient. C'est par lui que le sujet perçoit et interprète les données contextuelles immédiates … Simple capteur de sensations et aiguilleur, le "nunchi" peut faire naître du "jeong" mais aussi, selon les cas, de la méfiance, du ressentiment ou n'importe qu'elle autre réaction."
Dans son ouvrage Doing busines with Koreans, Seoil Chay évoque ce sujet. Les Coréens ne disent pas tout et parlent souvent de manière indirecte, sans dire explicitement ce qu'ils aiment ou n'aiment pas, pour sauvegarder les apparences et éviter les conflits ; il faut donc un "bon nunchi" pour interpréter la situation.
Évidemment ils ne s'attendent pas à ce que les étrangers aient du "nunchi". Par conséquent, ils vont essayer d'être directs et explicites lorsqu'ils communiquent avec eux. Comme ils sont peu à l'aise avec ce style de communication, auquel s'ajoute la barrière de la langue, ils peuvent paraître abrupts et mal élevés. Ce n'est pas par manque d'éducation mais par souci d'être clair dans leur communication.
Les Coréens sont complexes et paradoxaux. Façonnés par la pensée confucéenne, élevés dans une langue et avec des usages implicites, ils vivent dans un pays qui a connu une évolution extraordinairement rapide et dans un monde des affaires exigeant où il faut gagner du temps, de l’argent, et se faire comprendre vite, quitte à être abrupt.
L'implicite français
Les Français révèlent un autre paradoxe difficile à comprendre pour beaucoup d'étrangers. Ils peuvent par exemple débattre d'idées et exprimer leur opposition avec véhémence mais rester allusif lorsqu'ils font des remarques sur le travail de leurs collaborateurs, en leur laissant le soin de deviner leurs intentions.
Le Français qui a agressé un Brésilien dans le couloir, n'avait aucune intention de lui nuire et il ne fallait pas prendre pour argent comptant ses propos. Si le Brésilien avait décodé le Français, il ne lui en aurait pas tenu rigueur.
Quant aux Britanniques, ils ne sont pas du tout d'accord quand on leur dit que les Français sont implicites. Ils les trouvent directs et dans la confrontation. Lors d'une conférence organisée par Akteos à l'ambassade des Pays-Bas, on a comparé l'explicite néerlandais à l'implicite français. Une participante anglaise a alors demandé comment il était possible d'être plus explicite qu'un Français et a raconté cette anecdote : à chaque fois qu'on veut lui fixer un rendez-vous, elle répond "je vais voir", et on lui bloque son agenda. Or pour elle, sa réponse est très claire et veut évidemment dire qu'elle n'est pas disponible !
Si un Français défend ses idées avec vivacité et extériorise davantage ses émotions qu'un Britannique, cela ne l'empêche pas d'être implicite ; nous sommes là sur des dimensions différentes.
Comment décoder l'implicite ?
Tout est relatif et on peut toujours trouver plus ou moins implicite que soi !
Le Profil Nomad' permet de se situer sur des axes et d'analyser les différences et les similitudes. On retrouve ici les profils culturels du Brésil, de la Grande-Bretagne, de la Corée du Sud et de la France sur quatre dimensions concernant le rapport aux autres.
Pour décoder un Implicite, il est utile de regarder comment il se situe sur les autres dimensions. Est-il à la recherche de consensus ou non ? Est-il intériorisé ou extériorisé ? Est-il axé sur la tâche ou sur la personne ?
Une bonne connaissance des codes culturels et une lecture judicieuse des profils peuvent déjà fournir de précieux éléments de compréhension.