Français, Américains, qui sont les plus arrogants ?
Comment nos filtres culturels influencent-ils nos interprétations ?
Nous avons entendu maintes fois de part et d’autre de l’Atlantique : « ils sont si arrogants ! ». Lorsque nous évoquons ce sujet lors des formations interculturelles, les participants d’autres pays sourient et rétorquent souvent : « l’Américain est tout aussi arrogant que le Français ». Mais de quoi parlons-nous exactement ?
Les Français et les Américains, sont-ils vraiment arrogants ?
Au-delà d’un débat distrayant mais en fin de compte relativement stérile sur le fait de savoir lequel est le plus arrogant, les perceptions de l’arrogance peuvent être un bon moyen pour appréhender les différentes façons d’interpréter un comportement à travers nos filtres culturels. Cette prise de conscience peut aussi aider les managers à résoudre certains problèmes qu’ils rencontrent avec leurs collaborateurs ou leurs clients.
Français/Américains : des perceptions opposées
Il est amusant de constater que pour les Français, l’arrogance américaine est issue de leur absence de formalisme, alors que pour les Américains, c’est le formalisme français qui est à l’origine de leur arrogance ! Bien que chaque personne, influencée par sa propre culture, fasse de son mieux pour donner une bonne impression, les résultats obtenus peuvent être parfois diamétralement opposés.
Les managers français mettent généralement les formes lorsqu’ils rencontrent quelqu’un pour la première fois. Une telle politesse est le signe qu’on respecte autrui et qu’on n’arrive pas en terrain conquis. Une participante française décrivait ainsi ce qui lui paraissait comme arrogant dans le comportement d'un interlocuteur américain : « il était vraiment à l’aise et prenait beaucoup de place ! Il s’est assis en face de moi et s’est penché sur sa chaise d’une manière très relaxe. Pendant que nous parlions, il semblait n’avoir aucun doute sur la facilité de faire connaissance avec d’autres personnes. Il était tellement confiant et décontracté !»
En France, on s’attend à l’attitude inverse lorsqu'on rencontre quelqu’un pour la première fois. Réserve et courtoisie montrent qu’on est bien élevé, discret et en fin de compte modeste. Si on s’autorise un certain relâchement en privé, avec la famille et les amis, en public et surtout dans un environnement professionnel, on respecte les convenances. La vie privée est clairement séparée de la vie professionnelle : en s’exprimant avec déférence et en respectant un certain protocole, on reste dans le domaine professionnel et on montre ainsi qu’on ne pense pas être autorisé à entrer dans la sphère privée.
Dans la plupart des entreprises américaines, les attentes lors du premier contact sont relativement différentes. L’absence de formalisme est souvent appréciée et permet de créer une atmosphère détendue et conviviale qui montre que l’on est accessible, transparent et détaché de sa position hiérarchique. Lorsqu’on rencontre un nouveau collègue, une apparente confiance peut mettre les autres à l’aise et témoigner de sa fiabilité. La confiance, fondée notamment sur le bilan de nos réalisations, incitant à claironner que « nous sommes les meilleurs », et mettant en exergue nos qualités de leadership, est récompensée tout au long de l’enfance et de l’âge adulte aux États-Unis ; ces comportements sont généralement considérés comme positifs.
Français/Américains : des valeurs différentes
Mais du point de vue des valeurs fondamentales françaises, nous voyons bien comment les Américains peuvent être perçus comme arrogants, surtout au regard de la valeur de discrétion chère au Français et de l’expression de réserve attestant de sa modestie. Aux États-Unis en revanche, on reste modeste sur des sujets complexes et intellectuels qui sont facilement associés à de l’élitisme et du snobisme.
Un participant américain décrivait ainsi l’arrogance française : « les Français sont perçus comme se sentant supérieurs, fiers de leur histoire, de leur vin de qualité, de leur tradition intellectuelle que les États-Unis n’ont pas. Je les soupçonne même de voir les Américains comme des nouveaux riches sans raffinement ni culture. »
Les perceptions de l'arrogance des Américains et des Français, nous permettent de comprendre comment des comportements opposés (formel d’un côté, informel de l’autre) peuvent être perçus comme une manifestation d’arrogance de part et d’autre. Nos comportements sont en effet associés à des valeurs fondamentales.
Français, Américains, deux façons d'aborder la relation à l'autre. Si l'on en prend conscience, il est plus facile de faire une première bonne impression et d'éviter les erreurs d'interprétation. Quelques adaptations mineures peuvent faire gagner des mois d'efficacité aux managers parce que la confiance commune peut alors se construire beaucoup plus rapidement.
Quelques suggestions de lecture :
Natalie Lutz, French and American Perceptions of Arrogance in the Other: A comparison of French and American values and implicit norms, VDM Verlag