Le Maroc à l'heure de la COP22
Aziz Mekouar a accepté de nous parler de son parcours international, du développement du Maroc et des enjeux de la COP22.
Le Maroc, un pays d'avenir
Aziz Mekouar, conseiller pour les relations internationales de la Présidence de BMCE Bank of Africa ainsi que d’autres groupes, a été nommé par sa Majesté le Roi du Maroc Ambassadeur pour les négociations multilatérales dans le cadre de la préparation de la COP 22 à Marrakech. Il a accepté de nous parler de son parcours international, du développement économique du Maroc et des enjeux de la COP 22.
Aziz Mekouar, un parcours à travers les cultures
Dans quelle mesure votre parcours international a-t-il été constitutif de votre personnalité ?
Mon parcours international a commencé très tôt. Mon père étant diplomate, j'ai longtemps vécu en dehors du Maroc et j'ai été étudiant en France. Moi-même diplomate, j'ai ensuite voyagé et vécu dans différents pays, notamment aux États-Unis, au Portugal, en Angola, en Italie, etc., sans jamais me couper de mes racines marocaines. Je parle plusieurs langues ce qui ouvre un accès facile et immédiat à la culture de chaque pays et me permet d’être à l’aise dans le monde de l’autre et d’analyser, sans jugement, à l’aune de mon vécu, ses réactions. C’est un énorme avantage.
Pouvez-vous évoquer une anecdote illustrant l’impact de la culture sur les comportements ?
Aux États-Unis, le Congrès vote une loi qui s’appelle le Trade Promotion Authority (TPA) qui donne au Président le pouvoir de mener des négociations commerciales avec un pays ou une zone. D’après cette loi le Congrès ne peut qu’accepter ou rejeter en bloc l’accord négocié par l’administration. Lors des négociations de l’accord de libre-échange avec les États-Unis, les Américains nous proposèrent un texte qui suscita un débat sur l’utilité d’y insérer une certaine phrase. Après nos discussions, ils nous présentèrent le nouveau texte sans avoir modifié la phrase en question, ce qui provoqua un vif échange et le début d’une réelle incompréhension. Les Américains ont alors fait valoir que si cette phrase n'avait pas figuré pas dans le texte de l’accord, il aurait été rejeté par le Congrès. En effet certaines phrases doivent apparaître dans les accords, faute de quoi il est rejeté en bloc par le Congrès. Cette anecdote montre un rapport différent à la règle et au formalisme.
Le développement économique du Maroc
Comment caractérisez-vous l'évolution économique et politique du Maroc ?
Il y a eu un effort très important pour favoriser le développement économique du Maroc. Ce qui frappe mes amis étrangers, c’est que nous faisons ce que nous annonçons. Lorsque nous avons déclaré que nous développerions l’industrie automobile, nous avons réuni les conditions nécessaires pour y parvenir. Les investissements étrangers ont été massifs. Prenons l’exemple de l’industrie aéronautique : il y a dix ans, elle ne représentait rien. Aujourd’hui, elle pèse un milliard de dollars et les plus grands acteurs du secteur se sont installés au Maroc qui est devenu un des maillons de la chaîne d’approvisionnement de l’aéronautique dans le bassin méditerranéen et en Europe. Le Maroc entretient aussi une forte relation avec les États-Unis. Les évolutions du secteur bancaire et la modernisation du système financier sont aussi considérables. Le secteur de l’automobile, des énergies renouvelables et beaucoup d’autres encore ont littéralement explosé. Tanger est un des plus grands ports sur la Méditerranée. L’attractivité du Maroc est donc devenue très forte et, grâce à des accords de libre-échange, ses produits ont accès à un milliard de personnes en exonération de droits de douane.
Sur le plan politique, il y a un consensus autour de la monarchie constitutionnelle qui est très populaire. Les dernières élections montrent qu’il y a un réel phénomène de démocratisation. Les partis politiques s’expriment, forment des coalitions, et la vie démocratique suit son cours dans le respect de la constitution. Le « printemps arabe » n’a pas pris au Maroc car les partis politiques, les syndicats, les corps intermédiaires, les étudiants n’ont pas adhéré : les réformes en matière de libertés politiques ou sociales, comme celle du code de la famille, demandées par les mouvements dans les autres pays arabes avaient déjà été réalisées depuis longtemps au Maroc.
Le Maroc et l'Afrique
Quels sont les clés de compréhension du rôle que joue actuellement le Maroc en Afrique ?
Entre le Maroc et l’Afrique subsaharienne, c’est une vieille histoire. Tout d’abord, l’Afrique de l’Ouest a été islamisée par Ahmed Tijani et ses compagnons. Le premier pèlerinage des Africains de l’Ouest les emmène à Fès où il est enterré, avant d’aller à La Mecque. Ensuite, les relations commerciales avec le Mali, le Sénégal, la Guinée, etc. sont ancestrales. Il y a donc une véritable influence croisée et une connexion forte.
Le Maroc est de plus en plus présent en Afrique, les principaux acteurs économiques se parlent davantage, les banques marocaines y sont très bien implantées et de nombreuses entreprises marocaines y investissent.
Par ailleurs, il y a une immigration ouest-africaine au Maroc qui crée des liens plus forts. Cette interpénétration est importante aujourd’hui et va continuer à se développer. Si l'Afrique subsaharienne a manqué de cadres au moment des indépendances, on y trouve aujourd’hui des gens très bien formés, ce qui laisse présager une vraie transformation dans les années à venir. La clé de ces perspectives de progrès, c’est la maturation.
La COP 22
Quels sont les enjeux de la COP 22 ?
C’est le marqueur d’une prise de conscience au sein de la communauté des dirigeants mondiaux.
La conscience environnementale existe au Maroc depuis longtemps : faire face au changement climatique, sensibiliser tout le monde dans les écoles, les collectivités territoriales, lancer un programme des énergies renouvelables. Nous avons déjà des résultats : la centrale solaire Noor près de Ouarzazate va devenir la plus grande du monde, et en 2020, 42% de l’énergie marocaine sera issue des énergies renouvelables et 52% en 2030. Notre énergie éolienne est une des moins chères du monde.
Sa Majesté le Roi estime qu’il y a véritablement péril en la demeure et qu’il faut réagir rapidement pour mobiliser notre pays et favoriser une prise de conscience des Marocains. La COP 22 est partout : on parle de changement climatique, de mesures prises dans ce cadre, de conscience collective. Du point de vue mondial, le leadership du Maroc dans ce domaine est réel.
Après vingt ans de négociations, l’accord de Paris a été une étape historique. Les principaux pays pollueurs (États-Unis, Chine, Inde, Brésil, etc.) l’ont ratifié. Maintenant il faut le mettre en application : définir les règles, les procédures et les modalités. C’est ce que nous avons commencé à faire à Marrakech. Des initiatives vont être annoncées au Maroc à l’occasion de cette COP 22 qui est unique en son genre car les précédentes étaient une recherche de consensus sur un accord. Elle est aussi historique que celle de Paris.
Que vont faire les agents non-étatiques, la société civile, des collectivités locales ? L’enjeu est qu’il faut mobiliser des ressources financières, créer des projets bancables, renforcer les capacités, former les gens à la gestion de projet…
Il faut se mobiliser, agir concrètement et aller de l’avant car on ne peut plus attendre.