L’étiquette en Corée du Sud
Dans la culture coréenne, le strict respect de l’étiquette est le préalable à toute relation sociale. Vouloir s’en affranchir peut parfois mener à la catastrophe.
Dans la culture coréenne, le strict respect de l’étiquette est le préalable à toute relation sociale. Attention à ne pas s'en affranchir...
Le concept de "face"
Si vous êtes amené à travailler avec des équipes coréennes, la "face" est une notion essentielle qu’il faut toujours garder à l’esprit. Difficile à appréhender pour un manager français, lorsqu’il pense, par exemple, qu’un « bon coup de gueule » peut parfois aider à recadrer ses équipes, la « face » n’est pas qu’une notion individuelle en Corée mais aussi une notion collective.
J’ai en mémoire l’expérience malheureuse qu’en a fait un entrepreneur français. En vacances sur l’île de Jeju avec son partenaire et associé coréen, au moment du retour cet entrepreneur est bloqué à l’aéroport pour cause de surbooking. Il fait un esclandre au comptoir d’enregistrement. Alors que les deux hommes venaient de passer une semaine amicale, le partenaire coréen est profondément blessé par l’attitude du Français, lui précisant quelques jours plus tard : « En tant qu’étranger chez nous, tu m’as fait honte et tu as fait honte à la Corée. » Depuis lors, les relations sont d'abord tendues entre les deux hommes, puis se détériorent encore pour, au final, cesser. Cela eut un fort impact négatif sur l’entreprise du Français ; non par la seule perte de contrat, mais aussi par le refus de payer des commissions et la création d’une société concurrente.
Humiliation et vengeance
Dans la Corée traditionnelle, des familles, des clans, des communautés d’intérêts et différentes administrations, s’affrontaient auprès du souverain. La difficulté des relations entre ces différents partis conduisit les Coréens à être très sensibles à l’étiquette et à l’éthique dans les relations inter-personnelles. Dès lors, un manquement à l’étiquette par un geste malheureux ou une parole dite trop vite pouvait très rapidement être pris comme une tentative d’humilier la partie adverse. Ce sentiment d’humiliation débouchait parfois sur le désir de revanche et de vengeance à coup d’intrigues dévastatrices.
Même si l’entreprise moderne n’a plus rien à voir avec la Corée de l’époque Joseon, ce désir de vengeance (복수 - poksu) pour laver un affront avéré ou supposé reste vif dans l’esprit des Coréens. Très sensible à ne pas faire « perdre la face », ils prêtent une attention particulière aux relations qu’ils tissent avec leurs collègues et veillent à ne pas être pris pour cible par une intrigue quelconque. A titre d'illustration, le film Old Boy qui fit connaitre le cinéma coréen au grand public est une histoire de vengeance. D'ailleurs, il s’inscrit dans une trilogie portant sur la vengeance.
Ainsi, sans mauvaise intention, mais par méconnaissance de l’étiquette, un manager étranger peut être perçu comme arrogant ou, pire, comme inefficace. En effet, il peut continuer à persévérer dans la voie qu’il a choisi tout en rejetant la faute d’un manque de résultats sur ses équipes. Il est possible que ce sentiment fasse émerger un individu avec une forte personnalité qui va saper la cohésion d’équipe en agrégeant autour de lui certains des collaborateurs. L’objectif est simple : prendre la place du manager indélicat.
Sincérité et médiation
Si un jour vous vous retrouvez confronté à ce type de situation, la solution pour s’en sortir est d’être le plus sincère possible avec ses collaborateurs, ouvert à la communication, le tout sans favoritisme comme on serait tenté de l’être par exemple si des membres de l’équipe parlent mieux anglais que d'autres. Dans les cas les plus extrêmes, l’intervention d’un consultant extérieur ou du N+1 coréen sera nécessaire pour désamorcer la crise. Dans la culture coréenne, il est accepté qu’un médiateur intervienne pour résoudre les conflits. Très souvent, un repas et quelques verres d’alcool réconcilieront tout le monde,... jusqu’au prochain faux pas.